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Le Président Félix-Antoine Tshisekedi a demandé ce samedi 4 mars à son homologue français Emmanuel Macron, de regarder les pays africains autrement, en les considérant comme des partenaires et non avoir envers eux un regard paternaliste. Il l’a dit au cours d’une conférence de presse animée par les deux présidents au palais de la Nation à Kinshasa.

« La façon de voir les choses lorsqu’elles se passent en Afrique doit changer dans nos rapports avec la France en particulier, mais aussi avec l’occident en général. Je crois qu’il doit y avoir du respect dans les considérations que nous avons les uns vis-à-vis des autres.

Nous n’avons aucunement l’intention de galvauder l’opinion de nos électeurs. Ça doit changer dans la manière de coopérer avec la France et l’Europe. Le processus électoral est entamé », a indiqué Félix-Antoine Tshisekedi.

Pour le Chef de l’Etat congolais, le processus électoral est menacé par la guerre d’agression orchestrée par le Rwanda. Et la communauté internationale ne prend pas des dispositions pour sanctionner les auteurs de ces actes :

« Nous avons tiré la sonnette d’alarme en insistant sur le fait que s’il y a risque de dérapage. Ce n’est pas à cause des autorités du pays ni des responsables de la CENI. C’est simplement lié au fait que nous sommes un pays agressé par le Rwanda. L’agression qui a entrainé le déplacement massif des électeurs qui ne peuvent pas se faire enrôler parce qu’ils sont loin de leurs bases. Et à cause de ça, nous risquons de prendre du retard sur l’enrôlement ».

« Ce qui peut entrainer le retard dans le vote de la loi sur la répartition des sièges pour que nous puissions aller dans un processus électoral crédible. A ce stade, faut-il stopper le processus d’enrôlement des électeurs en attendant que la paix revienne, avec le risque que cela impacte sur le respect du calendrier ? Ou faut-il continuer le processus en ne prenant pas en compte les populations nombreuses, les déplacés de guerre ? C’est ça qui peut poser problème.

Et si demain nous allons aux élections dans des conditions difficiles, vous allez parler de compromis à l’africaine, alors qu’aujourd’hui, les mêmes africains sont en train d’attirer votre attention sur cette ignoble et injuste agression due au fait du Rwanda et demandons même les sanctions, mais personne n’en parle », a ajouté M. Tshisekedi.

Tout est parti de l’expression « compromis à l’africaine » utilisé en 2018 par l’ancien ministre français Jean-Yves Le Drian et repris par une journaliste. Formule mal perçue par Kinshasa. Le Président Tshisekedi a voulu recadrer le débat. Ce qui a aussi suscité une réaction d’Emmanuel Macron.

« Cette formule, on sait d’où elle est sortie. On sait le contexte électoral. Et il n’y avait pas de caractère de mépris dans la formule de Le Drian », s’est justifié Emmanuel Macron.

Néanmoins, le Président Tshisekedi a salué le retour en force de la France en RDC pour une coopération bilatérale gagnant-gagnant.

Tout est parti d’une
question d’une journaliste de l’Agence française de presse (AFP) à Emmanuel Macron rappelant la célèbre phrase de Jean-Yves le Drian en 2019, à la suite de la proclamation des résultats controversés de la présidentielle.
Le ministre des Affaires étrangères de la France à l’époque avait évoqué « un compromis à l’africaine » comme pour soutenir que les résultats annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) étaient le fruit d’un arrangement politique entre le président sortant Joseph Kabila et Félix-Antoine Tshisekedi et rien n’a voir avec la vérité des urnes.
Alors que le président Emmanuel Macron a répondu succintement qu’il n’y avait « aucune raison » que les prochaines élections en RDC ne soient pas bien organisées, Félix Tshisekedi a rebondi sur le sujet.

« Votre façon de voir les choses, Madame, lorsqu’elles se passent en Afrique, c’est ce qui doit justement changer dans nos rapports avec la France en particulier l’Occident en général. Lorsqu’il y a des irrégularités aux élections américaines, on ne parle pas de “ compris à l’américaine ”. Lorsqu’en France, dans les années Chirac, il y a eu le scandale sur des électeurs décédés qu’on a fait voter, on ne parlait pas de “compromis à la française ”. Il doit y avoir du respect dans la considération que nous avons les uns envers les autres… Regardez nous autrement en nous considérant comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste », a affirmé le chef l’État congolais.

Une intervention qu’Emmanuel Macron n’a pas voulu faire passer, apportant son « commentaire au commentaire »

« Beaucoup de malentendu avec ce jeu de ping-pong. Quand il y a des problèmes électoraux Aux États-Unis ou en France, la presse française en parle, elle les dénonce, elle les explique, elle s’en saisit. Elle en parle de manière aussi intraitable qu’elle le fait lorsqu’elle parle de vous. Donc, il n’y a pas de double standard », rétorque Emmanuel Macron.

Et d’enchaîner :

« Ne croyez pas que c’est l’irrespect, ce n’est pas vrai… Quand un ou des journalistes français posent des questions, ce n’est pas le gouvernement français. Il ne faudrait pas tout confondre. »

Pour Emmanuel Macron, il n’y avait pas de caractère de mépris dans la formule de Jean-Yves le Dryan.
Issu de l’opposition, Félix Tshisekedi a été déclaré vainqueur de la présidentielle de 2018. Des résultats que continuent à contester Martin Fayulu annoncé deuxième, s’appuyant sur des missions d’observation dont celle de l’église catholique.

Sur le terrain, la CENI est en pleine phase d’enrôlement des électeurs. Si l’opération est complètement bouclée dans la première aire opérationnelle, elle continue, en revanche, dans les deux autres aires opérationnelles, à savoir, l’A02 et l’A03. Dans cette dernière zone, qui concerne la partie Est du pays, la centrale électorale ne sait pas déployer ses matériels dans les trois territoires contrôlés jusqu’ici par les rebelles du M23 dont Masisi, Rutshuru et une partie de Nyiragongo. 
Félix Tshisekedi, quant à lui, insiste sur le rétablissement de l’ordre dans ces zones au risque de perturber le calendrier électoral publié par la CENI. « Le seul problème reste au niveau de zones de troubles où nous avons besoin que l’ordre revienne ainsi que la stabilité afin de pouvoir continuer avec le processus électoral sinon nous risquons d’avoir un retard considérable qui impactera sur la date prévue par le calendrier », a dit Félix Tshisekdi à son homologue français.

Josué Mutanava à Goma