Butembo, le 28 août 2025
La gestion inéquitable des confits fonciers à Butembo, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), est devenue un véritable fléau. La ville s’impose aujourd’hui comme ľun des épicentres de l’injustice foncière, selon plusieurs enquêtes menées sur place.
De nombreux jugements rendus dans les litiges fonciers ne se sont jamais traduits par une solution durable ni par une paix sociale. Au contraire, les dossiers rebondissent régulièerement après ľexécution des décisions judiciaires.
Conséquence: des familles entières, sommées de déguerpir de force, se retrouvent en insécurité permanente menacées à la fois par les bénéficiaires de ces jugements contestés et par certains acteurs de l’appareil sécuritaire soupçonnés d’agir au service des plus influents.
Nos enquêtes révèlent une justice souvent monnayée, rendue au profit des personnes ou organisations disposant de moyens financiers, au détriment des habitants qui devraient jouir légitimement de leurs terres. Cette situation est à l’origine de tensions socio-économiques, de soulèvements populaires et ďun climat d’insécurité persistante dans la ville depuis plusieurs années.
Les cas concrets sont nombreux. En 2016, plus de 120 familles installées de longue date sur la coline de Kirindera ont été expulsées au profit ďune communauté religieuse locale. En novembre 2019, près de 80 ménages ont perdu leurs terres au bénéfice d’un particulier, Kambale Mboko. En 2020, ce sont 45 maisons qui ont été démolies à Mutitiro sur instruction du tribunal de grande instance. Ces décisions controversées ont renforcé le sentiment de méfiance généralisée vis-à-vis de la justice et des autorités locales.

Face à cette situation, des acteurs sociaux et communautaires tentent régulièrement de privilégier des arrangements à ľamiable, suivant ľadage bien connu : « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Mais bien souvent, la justice impose des décisions qui ne satisfaient aucune des parties et exacerbent les tensions.
Ceux qui contestent ces jugements pour revendiquer leurs droits s’exposent fréquemment à des menaces et des poursuites. Le cas de ľ’activiste Bienfait Matata en est une illustration frappante. Responsable d’un collectif de jeunes militant pour une résolution pacifique et équitable des conflits fonciers, il a été arrêté à plusieurs reprises avec ses collègues. Considéré comme une « bête noire » par certains acteurs locaux et les bénéficiaires de ces jugements, il aurait même été enlevé et torturé par les Wazalendo, un groupe armé pro-gouvernemental.

Nos sources affirment qu’il continue de recevoir des menaces et qu’il est qualifié de « rebelle » par ceux qui veulent le réduire au silence.
D’autres militants ont connu un sort tragique. Grace Katembo, Gerlace Kambale et Masumbuko Gédice, auraient été arrêtés puis morts sous la torture en prison. Plusieurs autres, comme Grace Katembo, Jean-Paul Bofuga, Mutokambali Kavira, Christian Mugogo, Kahindo Dieudonné, ont été contraints à l’exil pour échapper aux harcèlements et aux convocations répétées.
Aujourdhui encore, une grande partie des affaires traitées par la justice locale reste liée aux conflits fonciers, qui continuent d’affecter des milliers de personnes. Tant que ces litiges ne seront pas régles de manière transparente et équitable, ils demeureront une tource chronique de division, ďinstabilité et ďinjustice à Butembo.
Rédaction